« Oh nage, oh réservoir
Oh sécheresse ennemie... »
C'est ce que clamait tous les soirs
La cigale pour implorer la pluie
Mais quand l'averse fut venue
La coquette fut fort dépourvue
Elle n'avait ni imper ni parapluie
Ni même un toit solide en guise d'abri.
Alors elle se jeta à l'eau
Et se rendit chez sa vieille amie,
La fourmi
Elles s'étaient jadis fâchées
Pour une divergence de goûts :
Un roman à l'eau de rose
Qui faisait débat entre les deux insectes
Et qui n'en valait pas le coup.
Depuis, entre les deux alcooliques,
Il y avait de l'eau dans le gaz
Et beaucoup moins dans leur Ricard
La cigale s'était alors jurée
Que jamais elle n'y retournerait
Leur amitié était tombée à l'eau
Elle se décida pourtant
Et frappa deux fois chez la fourmi
Celle-ci ouvrit sans se méfier
Et fut bousculée par l'intruse inondée
A l'intérieur, une odeur de cuisine
Remuait les phéromones de la cantatrice.
La cigale en avait l'eau à la bouche.
La fourmi devina qu'elle avait faim
Ca coulait de source.
On savait la cigale peu prévoyante et penaude
Devant son assiette vide,
Elle était souvent au pain sec et à l'eau.
Faut dire que la diva
N'avait pas inventé l'eau chaude
La fourmi, elle, toujours travailleuse
Semblait comme un poisson dans l'eau
Et vivait d'amour et d'eau fraîche.
Heureusement, la bestiole
N'était pas rancunière
Et pour mettre fin à leur vieille querelle
Offrit l'hospitalité à la cigale affamée.
De l'eau avait coulé sous les ponts.
La fourmi avait passé l'éponge
Ce soir là, elles partagèrent
Quelques gouttes et liqueurs
Et chantèrent « A la claire fontaine »
En choeur.
Mais il faut toujours se méfier de l'eau
Qui, dehors, continue de couler
Comme un coup d'épée dans l'eau
La cigale enivrée, remit sur le tapis
L'ancienne dispurte et provoqua l'ire de la fourmi.
C'en était trop
C'était la goutte d'eau
Qui faisait déborder la vase
D'un coup d'antenne,
Elle renvoya la cigale
Qui criait au scandale
Un refrain qu'on lui connaissait déjà :
« Oh nage, oh réservoir
Oh tempête ennemie,
N'ai-je donc tant vécu
Que pour finir à l'eau de vie ? »
Encore une fable qui finit
En eau de boudin.
« Allô quoi ! »