Elle est en train de crever
de l'intérieur
et personne pour remarquer la vermine
personne pour sentir les relents
les vers qui crient famine
les hauts- le- cœur partout,
tout le temps.
Elle est en train de crever
de l'intérieur
et elle ne sait pas comment sortir
son âme de ses boyaux fétides,
ne sait pas comment se laver
de cette bile indélébile,
de ce corps, qui de jour en jour
pourrit,
de ce cœur, qui de jour en jour,
se flétrit.
Elle est en train de crever
de l'intérieur
parce qu'elle n'arrive plus
à panser ses plaies,
parce qu'elle n'est pas apte au bonheur
refoulée des jours heureux
recalée à l'épreuve du bien être
amnésique : plus de plaisir
que de la peine.
Elle est en train de crever
de l'intérieur
comme une grande
sans l'aide de personne
elle y arrive si bien
toute seule :
cogiter, ressasser
« cogito ergo sum »
je pense donc je suis
elle pense donc elle essuie
les larmes, la souffrance
un petit caillou en errance.
Elle est en train de crever
de l'intérieur
et elle n'a plus de voix
pour crier « au secours »
peur de blesser ceux qu'elle aime
et qui l'aiment en retour
peur de prendre à pleine main
ce bonheur à pépins
peur de prendre en pleine face
ce boomerang qui sonne le glas.
Elle est en train de crever
de l'intérieur
A l'extérieur, rien n'y paraît
juste des ridules et quelques cernes
et puis un vers ou deux
qui sortent des yeux
comme la poésie sort de l'encrier
sans crier, juste pleurer.
Elle est en train de crever
de l'intérieur
mais elle ne veut surtout pas
crever sur place
elle veut avoir le temps
de recoudre les trous béants
à la place des boyaux, de la vermine et de la bile
placer des serpentins, des paillettes, des confettis
soudain se relever
de ce chant de mime
et repartir comme avant
tête baissée et « rentre- dedans »
Elle est con, la pomme
elle croit qu'elle est à croquer
alors qu'elle crève de l'intérieur
et qu'elle finira en marmelade
au pied de l'arbre.